Sébastien Vaumoron est consultant au cabinet Evimeria et est spécialisé dans la prévention des addictions, du stress et du burn-out. Il accompagne les collaborateurs et les entreprises dans la réduction des risques psychosociaux ainsi que dans le développement de la Qualité de Vie au Travail. Il est également très investi dans la formation des étudiants en ressources humaines et management. Dans cet article, Sébastien nous parle de l’addiction au travail, aussi appelée « workaholisme ».

Comprendre le mécanisme de l’addiction

Nous sommes tous dépendants à des actions dont certaines nous sont vitales : boire, manger, dormir. Face à ces dépendances naturelles et nécessaires, il existe des substances qui sont source d’addiction potentielle car elles agissent sur notre dopamine (neurotransmetteur du plaisir) et incitent à renouveler leur consommation : le sucre, la caféine, la nicotine…

À la base du mécanisme d’addiction, il y a donc la consommation d’un produit qui augmente en fréquence/intensité, ce qui mène vers un usage à risque, puis un usage nocif. La dépendance apparaît quand la personne développe une préoccupation excessive pour ce produit, avec des conséquences néfastes pour sa santé et éventuellement psycho-sociales.

Arrive alors la perte de contrôle marquée par l’impulsivité : « je veux », ou la compulsion : « j’ai besoin » qui marquent la dépendance. Ce parcours addictif n’est pas exclusivement réservé aux drogues. En effet, si les jeux de hasard et d’argent sont clairement identifiés comme étant des sources d’addiction possible, à fortes conséquences psychosociales, l’addiction au travail, appelé « workaholisme », existe également.

Une addiction insoupçonnée : l’addiction au travail

Certes, le travail occupe la part la plus importante de notre temps et c’est peut-être la charge mentale la plus lourde de notre « vie active ». Mais il doit laisser la place le soir, le week-end, durant les vacances à des « espaces de récupération », moments de loisirs, de vie conjugale, familiale, amicale… Cela constitue un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, éléments nécessaires dans une démarche de QVT.

La rupture de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle

Pourtant, on rencontre des collaborateurs ou chefs d’entreprise qui ont constamment la tête dans leur travail, même une fois rentré à la maison, en week-end, en vacances… Jeter un coup d’œil sur son téléphone pour vérifier les mails le soir à la maison, reprendre un dossier le samedi après-midi ou faire un devis pendant que tout le monde fait la grasse matinée le dimanche matin.

Cette rupture de l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle peut cacher une véritable addiction au travail. La personne est alors constamment préoccupée par ce qui a été fait, ce qui est en cours de réalisation, ce qui reste à faire. Elle se lève en y pensant, vit sa journée dedans et… passe aussi sa soirée en y pensant, se couche en y pensant. Elle peut en rêver la nuit, voire être réveillée par le travail. Tout l’espace psychique est envahi.

On retrouve alors ce circuit des addictions : pratique raisonnée avec équilibre vie personnelle/professionnelle qui se rompt par une augmentation de la charge de travail qui devient un risque psychosocial. S’en suit l’intrusion du travail dans la vie personnelle, avec une place progressivement envahissante, et enfin la perte de contrôle du « je dois » ou « j’ai besoin »… Certains en arrivent à inventer des mensonges pour travailler en « cachette » du conjoint et/ou des enfants.  

L’addiction au travail : une contrainte qui vient de l’intérieur

Certes, il y a des situations exceptionnelles et transitoires amenant une lourde charge de travail, mais le contexte le justifie provisoirement. De plus, ce n’est pas une recherche personnelle de plus de travail, mais quelque chose qui s’impose de l’extérieur. Or, les exigences professionnelles ne sont pas toujours la cause de ce surinvestissement.

Certains sont des passionnés, avec toujours de nouvelles idées en tête, des projets qui envahissent leur espace psychique. Ils aiment améliorer et parfaire leur travail, souvent au-delà du nécessaire. Et plus il y a de créativité et d’autonomie dans le travail, et plus l’addiction au travail devient un risque élevé car plus il devient source de satisfaction forte, d’épanouissement personnel et de valorisation que l’on cherche à répéter.

Que faire face au workaholisme ?

Seulement, le workaholisme, ou l’addiction au travail, constitue un risque psychosocial important avec des conséquences médicales graves, telles que le burn-out, les maladies cardio-vasculaires, mais aussi ses conséquences sociales et familiale du fait que les vies amicale, familiale et conjugale sont négligées.

Travailler beaucoup de façon durable nécessite un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Il y a donc des limites à s’imposer pour se tenir à distance des dommages des RPS et préserver une bonne Qualité de Vie au Travail :

  • S’obliger à bloquer un jour par semaine pour sa vie sociale : être en couple, en famille, avec des amis ;
  • Veiller à maintenir un à deux « espaces de récupération » dans la semaine : moment de détente sur des activités de loisir, sportives, culturelles que l’on apprécie ;
  • Limiter les consommations d’excitants (café, tabac) qui aident à faire tenir les semaines de 60h mais qui sont néfastes pour notre santé et masquent nos limites naturelles ;
  • Préserver un sommeil suffisant et trois repas équilibrés par jour ;
  • Se déconnecter matériellement et dans sa tête sur ces temps de vie personnelle !

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