L’évaluation des salariés a toujours existé, mais sa forme continue d’évoluer au fil des années avec le développement des nouvelles technologies. Ces dernières permettent en effet une évaluation des salariés basée sur la notation ainsi que la possibilité pour les salariés d’être évalués par les destinataires de leur travail (i.e. leur client par exemple). Dans ce contexte, il est essentiel de se questionner sur l’efficacité et la pertinence de ces nouveaux systèmes. Sommes-nous arrivés à trouver une combinaison optimale de critères pour évaluer le travail d’un salarié ? 

Quelle évolution de l’évaluation des salariés ?

L’évolution de l’évaluation des salariés est parallèle à l’évolution des technologies

La manière d’évaluer les travailleurs a beaucoup évolué avec la transformation progressive du travail et les progrès en matière de technologie. Ces évaluations passent de l’entretien annuel d’évaluation individuel, à la technique du 180°, puis à l’assessment center. Peu à peu ces systèmes d’évaluation des salariés se sont donc tournés vers des techniques plus collectives, plus engageantes, plus mobiles, intégrant une immersion totale du salarié dans la tâche à accomplir. Mais l’évolution ne s’est pas arrêtée là. Avec le développement des nouvelles technologies, le système d’évaluation par notation (populaire dans les services de transport comme Uber) a révolutionné l’évaluation des salariés. Pourquoi ? Car il inclut la notation rapide du salarié par le client, donc par le destinataire direct du produit ou du service.

Avantages et désavantages de la notation

Ce système peut, dans certains cas, faciliter le travail des salariés : notation censée être plus objective, possibilité d’obtention d’une bonne note, accès facilité aux primes… Cependant, ce système possède un revers moins reluisant : l’accroissement du contrôle social. Avec l’émergence des systèmes de notation du salarié, nous assistons en effet à une accentuation de la surveillance des salariés sur leur lieu de travail. C’est ce qu’il s’est notamment passé chez Uber : compte désactivé en cas de note inférieure à 4,5/5, impossibilité d’annuler une course (même quand le client est en retard) sous peine de se voir attribuer un 0/5… Ce système incite les travailleurs à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir la note maximale. Une bonne chose en théorie, mais en pratique ?

Le revers d’un système d’évaluation des salariés basé sur la notation

Biais de désirabilité sociale et méritocratie

Ce système de notation entraîne donc ce que les psychologues appellent un biais de désirabilité sociale : le travailleur va être amené à supplier le client pour obtenir la note maximale, quitte à aller à l’encontre de ses propres droits ou à écraser ses collègues au passage. Mais ce n’est pas tout ! Ce système crée également un environnement basé sur la méritocratie : le dernier du classement considéré comme « non rentable » pour l’entreprise peut être sujet à des sanctions, y compris s’il remplit tous ses objectifs.

La falsification des émotions

Les conséquences sur le salarié sont très nombreuses. Cela va engendrer des modifications émotionnelles et comportementales chez le salarié, qui pourra par exemple chercher à paraître sympathique y compris avec des clients agressifs, se conformer à certaines opinions qu’il désapprouve (Gernet, 2009). Autant de manifestations de ce que l’on appelle la falsification de ses émotions, qui a des conséquences très négatives sur le bien-être au travail.

Des critères de notation pas toujours adéquats

Autre problème : il se peut également que la notation ne soit pas basée sur des critères adéquats au regard de l’objectif du salarié. La note d’un client pourra être définie par des critères peu pertinents au regard du travail du salarié (un client de mauvais humeur ou négligent par exemple …). De même, une personne pourra noter négativement son collègue par jalousie. Impossible de négliger l’impact des (non-) affinités entre l’évaluateur et l’évalué. Pour l’atténuer, l’évaluateur devrait être formé à l’utilisation efficiente et objective de la méthode. La notation doit être utilisée avec précaution, et ne doit pas constituer un gain de temps pour l’employeur au détriment d’une évaluation des salariés plus objective et plus poussée. 

Vers une combinaison des systèmes d’évaluation du travail ?

L’évaluation idéale des salariés

Sur quels critères l’employeur doit-il se baser pour réaliser une évaluation des salariés plus optimale et plus juste ? Voici la question que chaque employeur devrait se poser. L’idéal serait en effet de procéder à une évaluation continue du salarié, de préparer et adapter l’évaluation, de ne pas négliger l’auto-évaluation (obtenir le regard du salarié lui-même sur son travail), d’être à l’écoute, de communiquer sur les tenants et aboutissant de l’évaluation et de rédiger des feedbacks continus auprès des collaborateurs. De plus, il est indispensable de mettre à disposition des salariés des éléments nécessaires à leur progression. Un outil pour ce faire est, par exemple, le feedback 360 qui permet de prendre en compte le point de vue de toutes les parties prenantes.

La recherche d’objectivité

Finalement, lorsque nous analysons l’évolution des systèmes d’évaluation au travail, nous constatons que les employeurs cherchent toujours une méthode plus objective, évaluant le plus de critères possibles. Dans ce cadre, l’évaluation des salariés par notation est souvent perçue comme permettant une évaluation plus objective, basée sur le travail réel du salarié. Cependant, un système répare les lacunes d’autres pour en créer des nouvelles. Le système d’évaluation par la notation n’y échappe pas. Malgré son aspect collectif, innovant par l’utilisation des nouvelles technologies, ce dernier tend à augmenter le contrôle social déjà présent dans le monde du travail. 

En résumé, il est important de prendre conscience des dérives qui peuvent être engendrées par le système d’évaluation par notation afin de prendre de tels scores pour ce qu’ils sont : le résultats de la subjectivité des personnes qui notent. Ce type de système, bien que pratique et reflétant une partie du travail du salarié, ne doit en aucun cas constituer la seule évaluation du salarié par l’employeur !

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Autrice de l’article : Dorine Desmet, étudiante Master PSTO à l’Université Catholique de Lille

Quelques références sur l’évaluation des salariés

  • Croquet, P. (2018). En Chine, un système de notation des citoyens encore flou mais aux ébauches effrayantes. Consulté sur Le Monde
  • Duguet, M. (2016). Un chauffeur de VTC témoigne : « j’étais noté 4,1 sur 5 et Uber m’a désactivé mon compte ». Consulté sur FranceTVinfo
  • Gernet, I. & Dejours, C. (2009). Évaluation du travail et reconnaissance. Nouvelle revue de psychosociologie, 8(2), 27-36. doi:10.3917/nrp.008.0027.